La Journée de la Facture Électronique 2025, qui s’est tenue mi-mai à Paris, a montré une nette accélération du programme de généralisation de l’e-facturation interentreprises en France en 2026, quelques semaines après le refus par l’Assemblée nationale d’un nouveau report de la date de démarrage obligatoire.
« Tel un avion en bout de piste, la réforme a aujourd’hui atteint sa vitesse de décollage, et donc un point de non-retour ». La métaphore aéronautique utilisée par Stéphane Eustache, directeur du programme facture électronique au sein de l’AIFE, l’Agence pour l’informatique financière de l’État, en introduction de son intervention lors de l’édition de 2025 de la Journée de la Facture Électronique (JFE), ne pouvait être plus claire : l’entrée en vigueur de l’e-facturation obligatoire en France pour les entreprises à partir du 1er septembre 2026 est désormais irréversible ! A cette date, les grands groupes et les ETI seront contraints d’émettre leurs factures au format électronique, et toutes les entreprises devront être en mesure de les recevoir. Un an plus tard, le 1er septembre 2027, l’obligation d’émettre des e-factures sera étendue à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.
Dans un message vidéo pré enregistré, Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, a aussi insisté sur ce point, se félicitant des efforts fournis par toutes les parties prenantes pour tenir l’échéance. « A moins de 500 jours de la date à laquelle la facturation électronique deviendra une réalité pour toutes les entreprises », elle a rappelé que la réforme était un formidable levier d’efficacité, en la comparant à la mise en place du prélèvement de l’impôt à la source et de la déclaration sociale nominative. Elle a aussi souligné l’intérêt pour les petites entreprises, qui n’auront plus à supporter les règles spécifiques de facturation de chacun de leurs grands clients. La ministre est enfin revenue sur les discussions et incompréhensions qui ont marqué le débat parlementaire sur la loi de simplification, en particulier sur la demande d’un nouveau report de la date de démarrage obligatoire, finalement refusé, et a reconfirmé le planning de la réforme qu’elle souhaite voir « aboutir dans les meilleures conditions possibles ».
Avant cela, Cyrille Sautereau, président du FNFE-MPE (Forum européen de la facture électronique et des Marchés publics électroniques), organisateur de la journée, était revenu sur les principes et les apports de la réforme. Non pas pour réexpliquer aux quelque 1 500 personnes présentes dans le grand auditorium du Palais Brongniart, ou connectées à distance, ce qu’est une facture électronique, mais « sous l’angle des bénéfices ». Grâce aux plateformes de dématérialisation partenaires (PDP), au dispositif technique « en Y » et à l’annuaire sur le Portail public de facturation (PPF), « la facture sera transmise de façon sécurisée et tracée, apportant des dates certaines opposables, des données structurées et un suivi du cycle de vie », a-t-il d’abord indiqué. Le futur dispositif permettra par ailleurs un pré remplissage de la déclaration de TVA des entreprises et une mise en œuvre d’un contrôle transactionnel continu (CTC). Enfin, « la réforme est l’occasion pour les entreprises de procéder à un alignement de leurs processus, avec deux principes : qu’aux mêmes problèmes soient apportées les mêmes solutions, et que les difficultés qui pourraient survenir ne soient pas exportées vers l’extérieur ».
Dans la foulée, les intervenants ministériels ont dressé un bilan de la situation. Stéphane Eustache, de l’AIFE, a indiqué que les clés du succès étaient maintenant réunies : un calendrier solide, réaliste et confirmé ; une meilleure connaissance collective de la réforme et de ses cas d’usage ; une solution globale simplifiée, avec notamment un PPF recentré sur ses fonctions régaliennes (annuaire et concentrateur de données) sans recouvrement avec l’écosystème des quelques 90 PDP aujourd’hui immatriculées ; une norme validée dans la version 3.0 des spécifications externes (formats et profils des factures) et la publication des travaux de la commission Afnor. En termes d’architecture technique, l’utilisation de Peppol, le réseau européen d’échanges sécurisés entre partenaires commerciaux, garantira l’interopérabilité des PDP entre elles et leur compatibilité avec le cœur du dispositif. Et la mise à disposition d’une API « universelle », probablement avant fin mai, simplifiera l’intégration des systèmes d’information des entreprises avec les PDP ou le PPF à travers une interface unique et standardisée, en assurant la conformité avec les normes techniques et réglementaires définies par l’administration fiscale, et en réduisant les coûts et les délais de la mise en œuvre. Pour être définitivement « qualifiée », chaque PDP devra mener un pilote afin de valider son adéquation technique avec le système global et l’annuaire. La moitié des plateformes immatriculées « sous réserve » ont déjà atteint cet objectif. Parallèlement, un pilote de l’annuaire du PPF est en cours, qui devrait s’achever fin juin, avant le démarrage d’un pilote général entre la rentrée de septembre et début 2026.
Enfin, sur un plan plus juridique, deux dispositions importantes ont été prises quant au choix des PDP, a complété Mathieu Le Gall, chargé de mission à la direction de projet facturation électronique, au sein de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) du ministère de l’Économie et des Finances. D’une part, un mandat opt-in pour un « choix libre », afin d’éviter que les entreprises se voient imposer une plateforme par l’éditeur de leur ERP ou solution de gestion, ou par leur banque, leur expert-comptable, etc. D’autre part, des possibilités de réversibilité pour pouvoir changer facilement de PDP en cas de difficultés. En conclusion, les représentants ministériels se sont satisfaits d’avoir « regagné la confiance » de tout l’écosystème, tout en conseillant aux entreprises d’anticiper au maximum puisque « le 1er septembre 2026 n’est qu’une date de fin obligatoire des projets, et peut donc être devancée pour éviter toute mauvaise surprise ».