L’entrée en vigueur de la directive européenne CSRD, et bientôt de la CS3D, impose aux entreprises de publier des informations détaillées en matière environnementale, sociale et de gouvernance. Et aux achats de collecter et analyser les données nécessaires pour se conformer aux nouvelles exigences réglementaires.
À compter de cette année, de nombreuses entreprises devront publier leur premier rapport de durabilité, conformément à la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui renforce les obligations en matière de reporting extra-financier. Transposée en droit français fin 2023 et désormais en vigueur, cette directive impose en effet aux entreprises déjà soumises à la directive NFRD (Non-Financial Reporting Directive) de publier, en 2025, des informations détaillées sur leur impact environnemental, social et de gouvernance (ESG) pour l’exercice 2024, en même temps que leurs comptes annuels. Les autres entreprises entreront progressivement dans le champ d’application entre 2026 et 2028. Dans le prolongement, une seconde directive adoptée en 2024, la CS3D (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), sera prochainement transposée puis mise en application. Au-delà de la « simple » publication d’informations, elle imposera progressivement aux entreprises la mise en place d’un plan de vigilance pour prévenir les mêmes risques.
Si la conformité à la CSRD nécessite une approche intégrée et mobilise quasiment tous les services de l’entreprise, les achats et la supply chain sont parmi les fonctions les plus impliquées. Alors que la chaîne d’approvisionnement est la principale source des impacts ESG, leurs équipes ont en effet un rôle à jouer dans la collecte des informations exigées par la directive concernant notamment les émissions de carbone du Scope 3 (émissions indirectes, en amont et en aval de l’entreprise), les pratiques sociales et éthiques des fournisseurs, ou encore les risques environnementaux liés aux matières premières. Cela implique d’évaluer les performances environnementales et sociales dans le cadre de la gestion de la relation fournisseurs, et donc d’agréger et de structurer les informations nécessaires. Mais aussi de mettre en place des mécanismes de suivi et d’audit pour garantir une conformité dans la durée.
Les solutions digitales achats, qui apportent déjà un premier niveau de réponse, peuvent aujourd’hui s’appuyer sur l’intelligence artificielle (IA) et notamment sa version générative pour faciliter cette mise en conformité. « L’IA peut aider à collecter, analyser et rapporter les 178 « data points » nécessaires pour se conformer aux exigences de la CSRD », expliquait Natacha Tréhan, maître de conférences en management des achats et chercheur à l’Université Grenoble Alpes, lors de la soirée d’échanges récemment organisée par le CNA à l’occasion de la publication de son Livre blanc « L’intelligence artificielle pour les achats ». D’autant que les données concernées sont issues de systèmes de l’entreprise mais aussi de sources externes, dans des formats structurés ou non, et qu’un travail de comparaison peut renforcer les analyses. Sans se limiter aux agents d’IA, « il ne faut pas non plus hésiter à se tourner vers des outils spécialisés venant en complément des solutions achats pour répondre aux impératifs des nouvelles directives », indiquait le Senior solutions consultant d’un des principaux éditeurs du marché, dans le cadre des conférences du dernier Salon Solutions e-Achats.
Au-delà des contraintes de reporting qu’elles imposent, la CSRD et bientôt la CS3D doivent aussi être vues comme des opportunités de transformation, pour sécuriser les opérations achats et gagner en performance. D’abord « pour clarifier la segmentation des référentiels et renforcer la relation fournisseurs », expliquait Laurent Iltis, Head of Data Analytics & AI chez Spie Operations, lors de la soirée du CNA. Plus globalement, « l’application de la directive permet de mieux comprendre la vulnérabilité de la supply chain et donc d’améliorer la résilience », enchaînait Natacha Tréhan. Sur le plan organisationnel, « les nouvelles directives vont transformer la relation entre direction achats et direction financière, et renforcer les liens avec la direction générale », estiment même les auteurs du DPS4, la 4ème édition du Baromètre annuel « Digital Procurement Success » initié par InsideBoard et porté par le CNA. In fine, quelle que soit leur perception de la CSRD et la future CS3D, les achats ne peuvent aujourd’hui éviter de se mobiliser pour accompagner leur entreprise sur ce sujet. Et bien que la mise en conformité impose un défi de taille, elle leur offre également une occasion unique de renforcer leur chaîne de valeur, d’améliorer leur résilience et d’aligner leurs pratiques avec les enjeux durables de demain.