Lors de la matinale d’ouverture des Universités des achats 2025 du CNA, en juin, les intervenants ont pointé le rôle stratégique de la digitalisation de la fonction pour renforcer l’indépendance économique et la souveraineté industrielle de notre pays.
Comme l’an dernier, la question de la digitalisation et de l’automatisation des processus métier ne figurait pas au programme des Universités 2025 du Conseil national des achats (CNA), qui se sont tenues mardi 17 juin au Théâtre de Paris. Le sujet est néanmoins apparu en filigrane de nombreuses interventions sur la thématique « les achats, acteur incontournable de la souveraineté », retenue pour cette dixième édition de l’événement. Dès le début de l’évènement, Jean-Luc Baras, directeur des achats d’Eiffage et président du CNA, récemment reconduit pour trois ans, avait placé le « digital » dans sa liste des grands changements de la décennie écoulée, aux côtés des nouveaux défis géopolitiques, économiques et environnementaux, ainsi que de la professionnalisation de la fonction. Avec un constat implacable : « Alors que la technologie évolue à une vitesse vertigineuse, à l’image de ce que nous visons avec l’intelligence artificielle, les acheteurs sont encore à l’âge de pierre ».
Face aux enjeux de souveraineté, le digital est concerné à double titre aux achats : d’une part, dans le choix des solutions, françaises ou au moins européennes, d’autre part, dans l’aide qu’il peut apporter à la fonction au moment de choisir des produits ou services. Sur le premier point, Florence Baiget, directrice des achats de Veolia, a par exemple indiqué lors de la table ronde sur « la souveraineté avec des achats décarbonés » qu’en matière d’IA, son groupe avait fait le choix d’un partenariat avec Mistral pour ses capacités, son éthique, sa frugalité mais aussi pour son origine française. En ce qui concerne l’apport des solutions achats, Pascal Décary, directeur des achats du groupe SNCF, a expliqué lors de la même table ronde qu’une note RSE avait été ajoutée aux critères d’évaluation des appels d’offres – en complément des notes technique et financière – afin de soutenir la décarbonation des approvisionnements, notamment dans le cadre de sa stratégie pour les « rails verts » et la souveraineté.
Avant eux, lors du grand débat d’ouverture, Yves Jégo, ancien ministre et fondateur de la certification « Origine France Garantie » avait insisté sur le rôle des solutions digitales achats pour faciliter le calcul en coût complet, au-delà du seul prix d’achat. Mais aussi pour assurer une traçabilité et une communication efficaces sur les produits, au-delà des noms des fournisseurs et des marques. Ces possibilités deviennent même stratégiques, alors que « les acheteurs vont vivre dans un monde différent », a enchainé Louis Gallois, haut-fonctionnaire à Bercy, ancien patron d’Airbus et du groupe SCNF, citant l’augmentation des taxes douanières et les fluctuations rapides des prix, ou encore l’agressivité croissante des grandes puissances économiques et en particulier de la Chine qui va vouloir s’imposer partout.
Dans ce contexte, les intervenants du dernier débat des Universités ont tenté d’expliquer « comment les achats peuvent se renforcer sur les enjeux de souveraineté », avec notamment le regard d’un éditeur, Franck Lheureux, président d’Ivalua. « Une solution achats permet de décliner la stratégie de l’entreprise, de faire évoluer les pratiques et d’orienter les choix en s’appuyant sur une meilleure capacité à mesurer, analyser, décider et piloter », a-t-il détaillé. À ses côtés, Julie Huguet, directrice de la Mission French Tech, a pour sa part souligné le rôle clé des start-ups françaises. Selon elle, « leur collaboration avec les grands comptes constitue un levier double : améliorer la performance des entreprises tout en ruisselant sur l’économie nationale ». A travers tous ces échanges, et bien qu’elle ne figurait pas officiellement à l’agenda, la digitalisation s’impose comme un catalyseur essentiel, au service d’achats plus responsables, plus transparents et résolument tournés vers la souveraineté.